DirtySpoiledYouth: that's all about me.

Les routines sont toujours les mêmes, les questions éternelles se répètent dans un cercle infini de lassitude et de banalité écrasante. Les prunelles brûlantes d’une colère qu’il ne pouvait exprimer décemment, Rembrand se contentait de fixer l’auteur de son trouble, l’auteur de cette colère noire, rugissante et terrible, tapie en lui, prête à bondir. Ses lèvres étaient pincées, et devenaient blanches sous l’effort accru de seconde en seconde, d’instant en instant. Chaque demi secondes était décomposée en son intégralité, et s’étirait jusqu’à l’infini, l’horrible, l’atroce longueur. Chacun de ces instants était toujours trop long, trop rude, trop révoltant. Il aurait voulu pouvoir dire ou faire quelque chose, mais il n’en était pas capable, il n’était pas capable de lui hurler les vérités qui le brûlaient. Il ne pouvait la fixer d’un regard droit et décidé quand le visage de Debra restait toujours aussi enjoué et bien aimant, révélateur de son envie de bien faire, de son amour envahissant. Il déglutit pour la énième fois, coincé sur le carrefour des décisions sans savoir vers quelle voie se tourner cette fois-ci. L’ignorance, la perpétuelle ignorance ? Ouvrir les vannes et hurler son trop plein ? Ou la simple éviction ? L’esprit du jeune homme tourbillonnait dans une confusion extrême faîte d’un nombre trop important de question, et sans avoir aucune réponse. Rembrand, comme toujours, ne savait que faire. Il prit le parti d’enfoncer ses mains dans ses poches et de se détourner. Il se retrouva face au plan de travail de la cuisine ouvragée et, pour se donner contenance, il attrapa le pain. Celui-ci était posé en plein milieu, et semblait être la seule chose à sa disposition en cet instant. Excepté le couteau à pain lui-même, mais il jugea que cela pourrait porter à confusion s’il saisissait cet objet-là avec toute la fureur qui l’animait. Et cela était la dernière chose qu’il souhaitait en cet instant pénible. Il commença à mastiquer avec toute la force de ses mâchoires ce pain se tenant entre ses doigts. Il jugea – à tord – que cela serait un élément de plus à ajouter à sa comédie. Mais c’était sous-estimer cette mère possessive et presque obsessionnelle. Alors que le jeune homme croyait avec toute l’innocence dont il disposait qu’elle avait abandonné la bataille, s’en allant penaude du lieu de ses crimes de guerre, elle revint à l’attaque, plus prête et aguerrie que jamais. Les fébriles questions reprirent tels de coups d’épées assenés en plein cœur. Il déglutit une nouvelle fois.

- On est toujours obligé d’en arriver là ?

Il venait de faire volte-face et affrontait sa mère de toute sa hauteur. Il la fixa, dans un regard mêlant défi et profond respect, intimement lié à son amour éternel pour sa mère. Il prolongea alors leur échange visuel, le temps de quelques secondes de plus. Il tentait d’apaiser son cœur violenté par la rude colère s’acharnant en lui, et de reprendre ses esprits, troublés par un trop plein d’alcool. Il rentrait à peine d’une soirée dans un bar. Il était fatigué, exténué et souhaitait simplement retrouvé la tranquillité de son refuge – sa chambre. Il lança un regard éperdu vers le couloir qui menait à son seul lieu de paix, mais il en fut vite détourné par une nouvelle question. « Dit-moi simplement comme elle s’appelait ! Je veux juste être sûre qu’elle sera assez bien pour toi ! » Cette fille. Encore et toujours. Il regrettait presque d’entretenir une relation plutôt durable et stable avec elle. Il aurait presque préféré être seul pour ne pas subir les perpétuels assauts de cette mère surprotectrice et bien trop curieuse pour avoir la sagesse de préserver la vie privée de son unique fils. Il soupira longuement avant d’abaisser les armes, comme toujours. Il savait sa défaite assurée, comme toujours, il savait qu’ils finiraient de toute manière à en arriver là, puisque c’était toujours ce dénouement qui s’affichait à la fin de leurs entrevues mouvementées. Lassé, compatissant et touché, il lui offrait toujours la réponse qu’elle attendait.

- Julie… Elle s’appelait Julie, Maman.

Et elle avait à nouveau gagné. Encore une fois. Soupirant de toute son âme intérieurement, il quitta les lieux de sa défaite, rejoignant le seul asile de sa triste demeure.